Analyse Point par Point sur le Rapport de l’ECC

Analyse Point par Point sur le Rapport de l’ECC

 

Dans son huitième point, le rapport récemment publié par l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) s’attarde sur un ensemble d’allégations liées à la mise en œuvre du Programme d’Appui à la Société des Jeunes pour la Paix et la Sécurité (PASOJEPS), piloté par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC). Se réclamant d’une démarche citoyenne, l’ECC affirme vouloir mettre en lumière des irrégularités de nature administrative et financière. Toutefois, une lecture attentive de ce document révèle d’importantes limites méthodologiques, plusieurs généralisations infondées, ainsi qu’une interprétation discutable du cadre légal régissant les finances publiques en République d’Haïti.

 

L’un des points de divergence les plus manifestes concerne les données relatives au nombre de bénéficiaires. L’ECC évoque six cents jeunes âgés de seize à vingt-quatre ans, dont trois cents auraient reçu des paiements d’un montant variable, allant de 40 000 à 53 250 gourdes. Cette présentation contraste significativement avec les informations officielles communiquées par le MJSAC dans ses notes de presse publiées entre juillet 2024 et février 2025. Ces sources officielles font état d’une seule cohorte de trois cents jeunes, âgés de 18 à 25 ans, formés lors de la première phase du programme tenue à l’École de la Magistrature du 22 au 24 juillet 2024. Ces bénéficiaires ont, dans leur ensemble, signé un pacte d’engagement en faveur de la paix et du développement communautaire. Les paiements effectués à leur profit ont été uniformes, s’élevant à 53 250 gourdes, sans disparité.

 

Une autre partie particulièrement préoccupante du rapport concerne des allégations de rançonnement formulées à l’encontre d’agents du ministère. Le cas d’un certain Besner JULIEN y est mentionné, présenté comme victime de menaces et d’actes d’extorsion. Si de telles accusations, par leur gravité, appellent naturellement à la vigilance, leur traitement dans le rapport ne repose sur aucun fondement probatoire. Aucune pièce justificative, qu’elle soit écrite, audio, visuelle ou issue d’un témoignage corroborant, n’est versée au dossier. Aucun élément contextuel ne permet d’identifier les circonstances ni les agents incriminés. L’absence d’enquête interne, de signalement officiel ou de plainte formellement enregistrée devant les autorités compétentes — telles que l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou le Parquet — constitue une carence manifeste sur les plans juridique et procédural.

 

Selon les principes fondamentaux du droit haïtien, toute accusation d’une telle nature, notamment en matière de corruption ou de concussion impliquant des agents publics, requiert un minimum de documentation. En l’absence de saisine des autorités habilitées ou de toute initiative judiciaire ou administrative, l’accusation reste dans le registre de la suspicion, sans valeur probante ni portée opérationnelle. En ce sens, relayer publiquement de telles imputations sans offrir la possibilité d’un droit de réponse ou sans engager un processus contradictoire revient à porter atteinte à la présomption d’innocence et à la dignité des institutions concernées.

 

Le rapport, dans sa formulation même, souffre d’un déficit de rigueur rédactionnelle. Le ton est souvent accusatoire, émotionnel, et tend à présenter des hypothèses comme des certitudes, en contradiction avec les exigences de neutralité attendues d’un travail d’observation citoyenne. Le langage employé manque de la retenue nécessaire, et les termes choisis affaiblissent la crédibilité argumentative de l’ensemble.

D’un point de vue éthique, cette approche soulève une difficulté majeure. Aucun agent public n’est identifié, aucune procédure contradictoire n’est engagée, et aucune garantie de justice naturelle ne semble avoir été observée. Or, une telle démarche, si elle se veut citoyenne et responsable, ne peut se permettre de contourner les exigences élémentaires de transparence, de rigueur et d’équité.

 

En définitive, si l’engagement de l’ECC dans la lutte contre la corruption peut être salué dans son intention, la présentation du point 8 de son rapport illustre une sérieuse faiblesse méthodologique, juridique et éthique. La dénonciation publique d’un fait aussi grave que le rançonnement, sans éléments tangibles ni procédure formelle, nuit à la crédibilité du débat démocratique, compromet la réputation des institutions publiques et détourne l’opinion de l’objectif fondamental : renforcer l’État de droit par des pratiques exemplaires de redevabilité.

 

La Bonne Nouvelle

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