Viv Ansanm – Gran Grif : En quoi la nouvelle position des États-Unis change la donne Jean Venel Casséus

Viv Ansanm – Gran Grif : En quoi la nouvelle position des États-Unis change la donne

Jean Venel Casséus

Ce 2 mai 2025, le gouvernement américain a pris officiellement la décision de classer les groupes armés “Viv Ansanm” et “Gran Grif” comme organisations terroristes. Cela faisait longtemps que certains Haïtiens, moi y compris, réclamaient cette reconnaissance de la part des autorités haïtiennes comme étrangères. C’est désormais chose faite du côté américain, comme l’ont déjà fait les Dominicains, malgré le silence gêné du gouvernement haïtien. Cela va sans dire, cette décision, loin d’être un simple changement d’appellation, est un tournant significatif dans la manière dont les États-Unis comptent désormais aborder le dossier haïtien.

Avant tout, permettez-moi de souligner une grave erreur stratégique commise récemment par Viv Ansanm et Gran Grif : celle de s’être définis comme des groupes politiques. Pourquoi est-ce une erreur ? Parce que cela touche à la différence fondamentale entre un gang et un groupe terroriste. Soyons clairs : un gang est un réseau organisé cherchant à contrôler un territoire afin d’en tirer des profits à travers des activités illégales telles que le trafic de drogue, les enlèvements ou le racket, en usant de la violence comme outil tactique. À l’inverse, un groupe terroriste ne poursuit pas un gain financier, mais promeut une idéologie politique, religieuse ou sociale. Pour faire entendre ses idées, il recourt à la violence afin de semer la peur, défier l’autorité de l’État ou promouvoir ses objectifs idéologiques. Voilà la différence fondamentale : les gangs veulent de l’argent et de l’influence ; les terroristes veulent changer le système sociopolitique ou imposer leur vision.

Même si cela fait un bail que Viv Ansanm et Gran Grif sèment la terreur — en incendiant des écoles, en kidnappant des enfants, en massacrant la population — les États-Unis les considéraient jusqu’à récemment comme de simples gangs ou comme du crime organisé. Mais dès lors qu’ils ont commencé à afficher des ambitions sociopolitiques, les autorités américaines ont été contraintes de les percevoir différemment. Les désigner aujourd’hui comme terroristes les place au même niveau qu’Al-Qaïda ou l’État islamique. Cela signifie que tous les outils juridiques dont disposent les États-Unis pour combattre le terrorisme peuvent désormais être employés contre eux.

Premièrement, le gouvernement américain peut désormais bloquer leurs fonds, intercepter leurs communications, imposer des sanctions aux individus ou institutions qui les soutiennent, que ce soit en Haïti ou à l’étranger. Même les membres de la diaspora ayant des liens financiers avec ces groupes pourraient être poursuivis. Autrement dit, toute personne identifiée par les États-Unis comme sympathisante ou soutien financier de Viv Ansanm ou Gran Grif pourra être ciblée par la loi antiterroriste américaine. Ne soyez donc pas surpris si bientôt, des figures comme Profane Victor, Magalie Habitant ou Alfredo Antoine sont extradées vers les États-Unis pour terrorisme.

Deuxièmement, cette classification de Viv Ansanm et Gran Grif comme entités terroristes place Haïti sur la liste des pays représentant une menace pour la sécurité internationale. Cela peut ouvrir la voie à un renforcement de l’intervention américaine, que ce soit sur le plan diplomatique, militaire ou humanitaire. Elle pourrait aussi inciter d’autres acteurs régionaux tels que la CARICOM, le Canada ou la République dominicaine à accroître leur implication ou à resserrer leur coopération sur le dossier haïtien.

En définitive, tout ce que je peux dire, c’est que ce changement va provoquer des remous. Quand les États-Unis changent de vocabulaire, ils changent aussi d’outils. Haïti entre désormais dans le radar du système mondial antiterroriste. Ce n’est pas rien.

New York, 2 mai 2025

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